Le square


Il s'agit d'un roman de 150 pages publié aux éditions Gallimard en 1955, soit relativement tôt dans la carrière de l'écrivaine. Il a pour caractéristique d'être fait en forme de dialogue.

Couverture du livre Le Square

Résumé

L'action se passe dans un square, sur un banc. Tout le livre n'est qu'on long dialogue entre deux personnes qui se sont rencontrés par hasard, dans ce square. Il y a d'une part une jeune femme dont le travail est de s'occuper de l'enfant d'une autre, et de l'autre un représentant de commerce plus âgé. Beaucoup de choses les opposent, mais ils vont se rapprocher naturellement grace à un horizon qui pourrait être commun. En effet, la fille est jeune, elle a foi en l'avenir mais se trouve bloquée par toutes les contraintes qu'elle rencontre dans la vie. Elle veut changer de métier, de vie, elle veut vivre différemment et elle est prête à faire des scrifices pour ça, au premier rang duquel sa liberté. Elle cherche par tous les moyens à trouver un mari qui la rassurera et la débarrassera du poids de son quotidien. Pour parvenir à ses fins elle se rend tous les samedis au bal où elle espère rencontrer l'homme providentiel.

A l'opposé l'homme, lui, est blasé. Il n'a pas de racine, il se déplace tout le temps, et à vu dans sa vie trop de malheur pour croire en l'avenir. Il ne croit pas dans le couple, dans l'avenir à deux. Pourtant, au fil de la conversation, ils vont affronter leurs points de vue jusqu'à découvrir qu'ils ont peut être un avenir ensemble. Le roman se termine dans l'espoir que met la fille dans la venue au bal de l'homme, au prochain samedi.


Pièce de théâtre ou roman ?

Pour répondre à cette question, le mieux est de laisser la parole à l'auteure elle même. Voici ce qu'elle disait de cet ouvrage, après sa parution.

Ai-je voulu faire une pièce de théâtre en écrivant Le square ? Non. Je n'ai voulu ni faire une pièce de théâtre ni, à vrai dire, un roman. Si "roman" figure sous le titre du livre, c'est par étourderie de ma part, j'ai oublié de le signaler à l'éditeur. Et puis des critiques ont dit qu'il s'agissait là de théâtre, qu'il ne fallait pas s'y tromper.

Il y a dans les paroles de Duras une dérision adressée directement aux critiques, qui n'ont pas souvent été tendres avec elle. Mais il faut bien avouer qu'elle même a du mal à classifier son travail, et cette oeuvre ne déroge pas à la règle tellement ce roman ressemble à une pièce de théâtre.


Commentaire

La forme du roman est assez étrange, de par sa forme. Il est fait d'un long dialogue interrompu uniquement par quelques phrases courtes expliquant ce qui se passe dans l'environnement des protagonistes, ce qui introduit des respirations bienvenues tout autant que nécessaires. L'action se réduit à des paroles, le lecteur entre donc dans l'intimité des personnages lorsqu'ils se dévoilent l'un à l'autre. Et l'on voit la femme avec un regard très dur sur sa condition. Elle estime que son métier est difficile, elle se pense humble, abandonné. Elle estime que sa condition est moindre que celle de l'homme, qui ne la corrige pas. Il faut dire que lui croit encore pouvoir faire quelque chose dans le futur, ce que ne croit pas la femme.

Le dialogue est assez profond, plutôt sensible, il est d'une grande qualité littéraire. Ils parlent comme écrirait un spécialiste de la langue française. Ils parlent comme personne ne parle. Ils parlent à l'opposé de ce qu'ils sont, ils parlent comme des grands de ce monde. Et bien sûr, c'est totalement volontaire de la part de Duras qui préfère faire parler sa bonne comme elle le souhaiterait plutôt que comme la réalité lui imposerait de le faire. L'irréalisme des dialogues est volontaire et assumé.

La courtoisie est aussi une qualité de ce dialogue. Les questions de l'un, parfois indiscrètes, trouvent une réponse franche, même si elle est intime. C'est là aussi volontairement exagéré par Marguerite Duras car ça lui permettait de rendre plus facile le lien qui se tisse entre eux, plus rapide aussi, en laissant de côté les règles implicites de sociabilisation. La rapidité dans la construction du dialogue est quelque chose d'important dans ce livre, tous les deux sont en état d'urgence, pressé de se rapprocher de l'autre. Ils sont à l'écoute de l'autre, du moindre geste. Ils discutent de leurs visions de la vie, de leurs problèmes, ouvertement, ils sentent implicitement que plus ils iront vite dans leurs relations, fut-elle sans suite, plus ils auront de chance de parvenir à leurs fins. Pour elle, un mariage avec lui. Pour lui, le renouveau de sa croyance en l'avenir.

Le dialogue de ce livre est libérateur pour les personnages, il leur sert d'exultoire pour tenter d'échapper à leur condition. Surtout pour la bonne, bien sûr. L'homme, lui, a connu des moment de bonheur dans sa vie qui lui ont permis de ne pas en vouloir à la vie, au sens général.

Et au final, que reste-t-il ? Rien de spécial, Duras ne livrant pas de fin à ce roman, ne donnant pas autre chose qu'un espoir de résolution du problème évoquer tout au long du livre. Le lecteur est dans la même situation qu'eux, il est dans l'attente d'une réponse qui ne viendra jamais. Et donc renvoyé à sa solitude, au questionnement que ce livre lui renvoit en plein visage. Et lui, que ferait-il pour sortir de sa condition ?


Extraits, adaptations

Extraits

Cet extrait est la fin du livre. Il montre comment Marguerite Duras se joue de son lecteur en le laissant douter de l'avenir des protagonistes.

- Je vous dis au revoir, Monsieur, peut-être donc à ce samedi qui vient.

- Peut- être, oui, Mademoiselle, au revoir.

La jeune fille s'éloigna avec l'enfant, d'un pas rapide. L'homme la regarda partir, la regarda le plus qu'il put. Elle ne se retourna pas. Et l'homme le prit comme un encouragement à aller à ce bal.


Cela fait du bien, oui, c’est après que c’est un peu ennuyeux, après qu’on ait parlé. Le temps devient trop lent. Peut-être qu’on ne devrait jamais parler.

La brise qui s'était assoupie s'éleva de nouveau, balaya de nouveau les nuages et, à la tiédeur soudaine de l'air, on devina encore une fois les promesses d'un proche été.

Adaptations

Encore une fois une adaptation d'un livre de Marguerite Duras fut faite par la suite. Celle-ci a été d'autant plus facile que le texte ressemblait déjà fortement à une pièce de théâtre. Le metteur en scène, Claude Martin, a légèrement modifié quelques lignes, faisant disparaître le personnage de l'enfant et supprimant la phrase finale " Et l'homme le prit comme un encouragement à aller à ce bal", pour laisser une impression moins optimiste. La pièce a vu le jour le 17 septembre 1956, au Studio des Champs-Élysées, puis reprise en 1961, avec Édith Scob, et en 2014, au théâtre de l'atelier, sur une mise en scène de Didier Bezace.


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